Bienheureuse Marie Rose

22 avril 2017

Bienheureuse Sœur Marie Rose. Née Suzanne Deloye Bénédictine, martyre à Orange (✝ 6 juillet 1794)
Suzanne-Agathe Deloye naquit à Sérignan, village limitrophe de la ville d’Orange, le 4 février 1741, fille de Joseph-Alexis Deloye et de Suzanne Jean-Clerc. Après une enfance tout entière passée dans les pratiques les plus ferventes de la piété, elle sollicita et obtint, à peine âgée de vingt ans, son admission dans le monastère des bénédictines de Caderousse, (situé au nord de l’église St Michel) et placé sous le vocable de l’Assomption Notre-Dame.

C’est là que vécut Sœur Marie-Rose, qu’elle fit profession, et que pendant plus de trente ans elle se prépara, par sa fidélité de tous les jours aux devoirs de sa vocation, à la gloire du martyre.
Le 12 ventôse an II (2 mars 1794), la bienheureuse bénédictine était convoquée par la municipalité de Sérignan, en compagnie de Henriette Faurie et Andrée Minutte, à l’effet de prêter le serment ordonné par la loi. «  Lesquelles toutes ensemble ont refusé de le prêter, malgré tout ce qu’a pu ajouter le maire pour les y porter.  »

Un délai de dix jours «  pour faire réflexion sur un refus qui n’aurait pas dû exister  » est accordé aux trois religieuses  ; mais dès le septième jour convoquées à nouveau, Sœur Marie-Rose persiste dans son refus ainsi que ses deux compagnes.

Le Comité de surveillance de son pays la fit mettre en état d’arrestation, et conduire à Orange, avec deux religieuses du Saint-Sacrement de Bollène, Henriette Faurie et Andrée Minutte, et un prêtre, le chanoine Lusignan. Dès ce moment la cause de son arrestation apparut évidente. «  Nous envoyons, écrit le Comité de Sérignan à celui d’Orange, les trois religieuses inassermentées que nous avons ici  ». Pas d’autre délit à reprocher à Sœur Marie-Rose que son refus de prêter un serment que sa conscience repoussait. Et quelle faute aurait-on put découvrir dans la vie de cette bénédictine dont les actes et les paroles étaient édifiants et purs  ?

La municipalité de Sérignan la fit conduire à Orange, sur la charrette de son propre frère Alexis, par son domestique accompagné de deux gardes nationaux.

À la prison de la Cure où dès son arrivée, le 10 mai, Sœur Marie-Rose fut écrouée avec d’autres religieuses emprisonnées depuis fin mars.

La présence et la ferveur de ces saintes filles avaient déjà donné à la sombre prison les allures d’un couvent. Elles y suivaient un règlement, y pratiquant leurs exercices réguliers, et s’y adonnaient même à certaines austérités compatibles avec leur situation.

Sœur Marie-Rose retrouvait là, sous une forme un peu différente, mais dans leurs traits essentiels ses pratiques bénédictines. Et avec joie elle prit sa place parmi les prisonnières et sa part de leurs prières et de leurs pénitences.

Le 17 messidor (5 juillet), elle fut appelée au tribunal de la Commission populaire. qui siégeait dans l’actuelle chapelle Saint-Louis puis transféré au Théâtre antique, les juges espéraient alors, que, citée la première et seule de ses compagnes, elle faiblirait et revenant sur son intransigeance prêterait enfin le serment prescrit. Aussi, le président Fauvéty porta-t-il tout de suite l’interrogatoire sur son vrai terrain, et lui proposa-t-il immédiatement de jurer, comme on disait alors, pour obéir à la loi. Sœur Marie-Rose refusa avec fermeté, déclarant qu’au surplus elle regardait la prestation de ce serment comme une véritable apostasie.

L’accusateur public Viot avait la tâche facile. Sur la tête de cette première victime, vouée déjà par sa confession courageuse à une mort prochaine, il accumula les mots retentissants mais meurtriers dont il chargera désormais toutes ses compagnes. «  Trop ennemie de la liberté, cette fille a tout tenté pour détruire la république par le fanatisme et la superstition. Elle a refusé le serment qu’on exigeait d’elle, elle a voulu allumer la guerre civile... etc.  »

Le fanatisme, la superstition cela voulait dire en langage révolutionnaire, fidélité à l’Église, à ses sacrements, à son culte, à ses prêtres. Nul, à cette époque ne s’y trompait, et il eût été bien difficile de garder à cet égard la moindre illusion. Fouquier-Tinville avait lui-même précisé le sens de ces mots qu’on retrouve dans tous les actes d’accusation de nos vénérables. Le 17 juillet 1794, une carmélite de Compiègne accusée de fanatisme demanda ce que cela signifiait. L’accusateur public lui répondit parmi les plus horribles blasphèmes : «  Par fanatisme, j’entends votre attachement à des pratiques puériles, et à vos sottes croyances.  »

Condamnée à mort, le 6 juillet, Sœur Marie-Rose fut exécutée le même jour à 18h à la guillotine qui avait été dressée sur le cours Saint-Martin Avec elle périt et pour la même cause un saint prêtre, le chanoine Antoine Lusignan. Leur émulation pour mourir en dignes martyrs, dit un de leurs historiens, fut telle qu’on ne saurait dire si c’est la religieuse qui soutenait le courage du prêtre ou le prêtre qui soutenait celui de la religieuse. Ce qui est certain, c’est qu’ils allèrent à la mort avec une sainte joie. Sœur Marie-Rose avait montré à ses compagnes le chemin de la véritable vie. Elles n’allaient pas tarder à s’y engager à leur tour.
Hommage aux 32 martyres
Il y avait à Bollène, au moment de la Révolution, un couvent d’ursulines et un autre de sacramentines, comptant à eux deux cinquante-deux religieuses.
Croyant voir, dans le serment de liberté-égalité prescrit par la Convention, une formule d’apostasie, toutes refusèrent de le prêter et furent décrétées d’arrestation. On leur adjoignit vingt-six moniales provenant d’autres communautés du Midi, et c’est ainsi qu’au début de juillet 1794, la prison d’Orange renferma cinquante-cinq religieuses attendant la mort.
L’ordre du jour qu’elles suivaient avant de monter à l’échafaud, nous a été conservé :
5h : une heure de méditation, office de la Vierge, prières de la messe.
7h. : déjeuner.
8h. : litanies des saints, confession à haute voix, communion spirituelle.
9h. : plusieurs se rendent au tribunal qui siège en l’église Saint-Jean  ; On se dit un éternel et joyeux adieu  ; celles qui restent récitent, pour celles, qui partent, un millier d’Ave Maria  ; puis, elles méditent les paroles de Jésus en croix.
17h. : nouvelle récitation de l’Office de la sainte Vierge.
18h. : le roulement du tambour et les cris de«  Vive la République  !  » Annoncent le départ des condamnées pour l’échafaud, dressé sur le cours Saint-Martin  ; Les prisonnières disent, à leur intention, les prières des agonisants et restent longtemps agenouillées  ; quand la guillotine a cessé de fonctionner, elles se lèvent, chantent le Te Deum  ; ensuite, elles s’exhortent mutuellement à mourir avec courage le lendemain ou l’un des prochains jours.
Sur les 52 prisonnières, 32 furent guillotinées entre le 6 et le 28 juillet(16 ursulines, 13 sacramentines, 2 cisterciennes et 1 bénédictine). Ce sont, dans l’ordre des exécutions :

Le 6 juillet : Sœur Marie-Rose, bénédictine de Caderousse (Suzanne Deloye, née à Sérignan en 1741)

Le 7 juillet : Sœur Iphigénie, sacramentine de Bollène (Suzanne de Gaillard, née à Bollène en 1761)  ;

Le 9 juillet : Sœur Sainte-Mélanie, ursuline de Bollène (Madeleine de Guilhermier, née à Bollène en 1733) et Sœur Marie-des-Anges, ursuline de Bollène (Marie-Anne de Rocher, née à Bollène en 1755)  ;

Le 10 juillet : Sœur Sainte-Sophie, ursuline de Bollène (Gertrude d’Alauzier, née à Bollène en 1757) et Sœur Agnés, ursuline de Bollène (Sylvie de Romillon, née à Bollène en 1750)  ;

Le 11 juillet : Sœur Sainte-Pélagie, sacramentine de Bollène (Rosalie Bès, née à Beaume-du-Transit en 1753), Sœur Saint Théotiste, sacramentine de Bollène (Elisabeth Pélissier, née à Bollène en 1741), Sœur Saint-Martin, sacramentine de Bollène (Claire Blanc, née à Bollène en 1742) et Sœur Sainte-Sophie, ursuline de Pont-Saint-Esprit (Marguerite d’Albarède, née à Saint-Laurent-de-Carnols en 1740)  ;

Le 12 juillet : Sœur Rose, sacramentine de Bollène (Thérèse Talieu, née à Bollène en 1746), Sœur du Bon-Ange, converse sacramentine de Bollène (Marie Cluse, née à Bouvantes en 1761), Sœur Marie de Saint-Henri, cistercienne de Sainte-Catherine d’Avignon (Marguerite de Justamond, née à Bollène en 1746) et Sœur Saint-Bernard, ursuline de Pont-Saint-Esprit ( Jeanne de Romillon, née à Bollène en 1753).

Le 13 juillet : Sœur Madeleine, sacramentine de Bollène (Elisabeth Verchières, née à Bollène en 1769), Sœur Marie-de-l’Annonciation, sacramentine de Bollène (Thérèse Faurie, née à Sérignan en 1770), Sœur Saint-Alexis, sacramentine de Bollène (Andrée Minutte, née à Sérignan en 1740), Sœur Saint-François, ursuline de Bollène (Marie-Anne Lambert, née à Pierrelatte en 1742) et Sœur Sainte-Françoise, converse ursuline de Carpentras (Marie-Anne Depeyre, née à Tulette en 1756), Sœur Saint-Gervais, supérieure des ursulines de Bollène (Anastasie de Roquard, née à Bollène en 1749)  ;

Le 16 juillet : Sœur Aimée, sacramentine de Bollène (Rose de Gordon, née à Mondragon en 1733), Sœur Marie-de-Jésus, sacramentine de Bollène (Thérèse Charrensol, née à Richerenches en 1758), Sœur Saint-Joachim, converse sacramentine de Bollène (MarieAnne Béguin-Royal, née à Bouvantes en 1736), Sœur Saint-Michel, converse ursuline de Bollène (Marie-Anne Doux, née à Bollène en 1738), Sœur Saint-André, converse ursuline de Bollène (Marie-Rose Laye, née à Bollène en 1728), Sœur Madeleine, ursuline de Pernes (Dorothée de Justamond, née à Bollène en 1743) et Sœur du Coeur-de-Marie, cistercienne de Sainte-Catherine d’Avignon (Madeleine de Justamond, née à Bollène en 1754)  ;

Le 20 juillet : Sœur Saint-Basile, ursuline de Pont-Saint-Esprit (Anne Cartier, née à Livron en 1733)  ;

Le 26 juillet : Sœur Saint-Augustin, sacramentine de Bollène (Marguerite Bonnet, née à Sérignan en 1719), Sœur Catherine, ursuline de Pont-Saint-Esprit (Marie-Madeleine de Justamond, née à Bollène en 1724), Sœur Claire, ursuline de Bollène (Claire Dubas, née à Laudun en 1727) et Sœur du Cœur-de-Jésus, supérieure des ursulines de Sisteron (Elisabeth de Consolin, née à Courthézon en 1736).
Elles montèrent toutes joyeusement à l’échafaud, chantant et priant pour leurs persécuteurs qui admiraient leur courage : «  Ces bougresses-là meurent toutes en riant  ». Les dix autres religieuses détenues furent sauvées par la chute de Robespierre, le 28 juillet, et libérées en I795.
Les corps des martyres furent jetés dans des fosses communes, dans le champ Laplane (à Gabet), situé à 4 kilomètres de la ville, au bord de l’Aygues, et une chapelle y fut bâtie en 1832.
Les 32 religieuses ont été béatifiées le 10 mai 1925 par le pape Pie XI (Ambrogio Damiano Achille Ratti, 1922-1939)

Sources : Wikipédia, Diocèse d’Avignon, martyrologe Romain, le petit Caderoussier de 05/1927 par le curé doyen H. Blanc.